Jour 47 et "rupture" de l'auteur de polars et science fonction Jacques Mondoloni. Un beau texte aux airs de métaphore de toutes celles (ruptures) que nous vivons ces derniers mois. Avant début de déconfinement.
Après avoir été de tous les romans noirs collectifs des Éditions Arcane 17 Jacques Mondoloni signera l'une des nouvelles de "Rouge cent"
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Rupture par jacques mondoloni
Elle était partie, en claquant la porte —en fait la porte avait claqué à cause du courant d’air, le bruit correspondait à son humeur, à sa révolte, et le sens qu’on donne généralement à la porte qui claque lui allait comme un gant : adieu les parents, adieu maman, adieu papa, je veux vivre ma vie, j’étouffe chez vous. La mère avait rouvert aussitôt la porte, ma fille, reviens ! tu veux donc voir ta mère mourir ? mais le père d’avait refermée d’un coup de pied, va-t-en, mauvaise fille !
Elle était restée un moment derrière la porte, elle attendait, elle les entendait se chamailler, le père en prenait pour son grade, accusé de raideur, ses principes autoritaires qui ne s’arrangeaient pas avec l’âge, la maladie, sa mère pleurait, elle était capable de mourir, son caractère morbide, toujours à occuper la scène dans les cimetières, une pleureuse pour familles dans la peine, elle aurait pu prétendre.
Maintenant dans l’escalier, assise sur une marche, en arrêt, rappelle moi maman, elle se sentait soulagée, mais soulagée trivialement, course vers le cabinet.
La voisine du haut montait, l’ascenseur coincé plus bas, à cause du confinement, personne ne viendrait réparer.
— Ça va Agnès ? les jeunes, par ces temps vous avez envie de prendre l’air, hein ?
— l’air, le large…
— Mais pour nous, c’est dur aussi le confinement. Il parait que la police vous colle une amende si vous sortez un peu loin.
— je vais payer l’amende
La voisine eut un drôle de regard, presque effrayé.
— vous pourrez dire que vous allez à la pharmacie pour votre papa.
— Oui, en effet dit-elle en descendant l’escalier.
Jacques Mondoloni - avril 2020